Introduction
Dans le contexte actuel des sociétés africaines, où les crises politiques et sociales se multiplient, la réflexion sur le rôle des intellectuels devient primordiale. Le Professeur Paul Zahiri propose un regard critique sur l’immobilisme doctrinal et les dérives identitaires de l’intelligentsia africaine. Selon lui, l’incapacité de nos élites à dépasser les clivages ethniques et religieux freine l’évolution des sociétés et compromet la construction d’États modernes et inclusifs. Cet article présente le texte complet de Paul Zahiri, suivi d’une synthèse pour mieux comprendre les enjeux qu’il soulève.
Texte complet de Paul Zahiri
« Je ne cesse pas d’être frappé par l’immobilisme doctrinal, sclérosé, de l’intelligentsia noire africaine. Abasourdie qu'elle est par l’échec du socialisme et du marxisme-léninisme. Il y a comme une impossibilité principielle à saisir le sens de cette histoire universelle, et les exigences d’une véritable insertion historique, dans cette histoire. Il nous faudrait renouveler les analyses de nos sociétés, pour mieux comprendre leur évolution, et formuler des projets sociopolitiques, et culturels, à moyen, et à long terme. Mais en lieu, et place, on s’évertue à ne lorgner que sur des considérations ethniques, et religieuses. Qui sont aidées par la veulerie de certains intellectuels. Se propageant avec une vitesse vertigineuse pour contaminer tous les champs de la société, de la connaissance, et du savoir. Nos intellectuels ne jouent plus leur rôle social qui est celui d’éduquer et d’instruire le peuple. Les canons de la pensée ont laissé la place aux penchants ethniques, et aux ancrages religieux. Là où, il y a déjà plus de deux siècles, les intellectuels européens avaient massivement choisi les "lumières", qui auront séparé l’Etat des ethnies, et des religions. Il reste effarant de constater à quel point nombre de nos penseurs et autres élites sont ainsi rivés à leur ethnie, et gardent leur religion chevillée au corps, consciemment ou inconsciemment. Peut-être nous faudra-t-il donner raison, à rebours, à Michelle Alliot-Marie, l’ancienne Ministre française des Affaires étrangères, désormais étrangère aux Affaires de l’Etat français. Elle disait placide, qu’en Afrique noire la politique se résume au management des ethnies. En oubliant que les choses peuvent aussi se retourner, dans une réciprocité confligène, généralisée. Avec une folie meurtrière, et tout son lot de malheurs, comme on le voit sous d’autres cieux. Nombreux sont encore ceux qui considèrent la politique comme une lutte interethnique, un affrontement religieux, une opposition nord-sud. L’ethnicisme le plus borné finira par avoir raison de nos Etats tropicaux. Il en résulte déjà des ministères entiers qui sont à dominante ethnique, sans que cela n’inquiète, outre mesure, nos intellectuels, et nos politiques. Or le péril est souvent grand, dans l'éventuel retour du boomerang. La violence ne perd jamais rien, sur la violence, car une fois déchaînée elle reviendra toujours. »
Analyse et synthèse
- L’immobilisme intellectuel : Les élites africaines restent enfermées dans des doctrines dépassées, incapables de répondre aux défis contemporains.
- La dérive ethno-religieuse : La focalisation sur les appartenances ethniques et religieuses fragilise la vie politique et sociale.
- L’exemple européen : Les Lumières ont montré qu’une pensée critique et la séparation de l’État et des religions étaient essentielles pour la stabilité et le progrès.
- Le risque de violence : Les divisions identitaires peuvent entraîner des conflits meurtriers et un « retour du boomerang » sur la société.
- Le rôle des intellectuels : Ils doivent redevenir des acteurs de l’émancipation sociale, en éduquant et en proposant des projets à moyen et long terme pour l’ensemble de la population.
Conclusion
Paul Zahiri nous invite à repenser la place de l’intelligentsia africaine dans la construction de nos États. Il insiste sur la nécessité d’un dépassement des clivages ethniques et religieux pour permettre une insertion historique réelle dans le concert des nations. L’Afrique a besoin d’élites courageuses, capables de produire une pensée novatrice et de guider la société vers des perspectives de stabilité, de cohésion et de développement durable.
Glossaire interactif
Immobilisme doctrinal
Incapacité à évoluer ou à renouveler les idées politiques et sociales, stagnation intellectuelle.
Sclérosé
Rendu rigide, figé, incapable de s’adapter.
Insertion historique
Capacité d’un peuple ou d’une société à trouver sa place dans le cours général de l’histoire universelle.
Veulerie
Faiblesse morale, lâcheté intellectuelle, complaisance.
Ethnicisme
Attitude qui consiste à privilégier systématiquement les intérêts de son ethnie dans la vie politique et sociale.
Confligène
Qui est de nature à engendrer ou à nourrir des conflits.
Boomerang
Image symbolique désignant le retour négatif d’une action ou d’une violence sur son auteur.
Intelligentsia
Ensemble des intellectuels d’une société, supposés influencer la pensée et l’action collective.
Lumières
Mouvement intellectuel et culturel européen du XVIIIᵉ siècle prônant la raison, la science, la liberté et la séparation entre l’État et la religion.
Affrontement religieux
Conflit entre groupes sociaux basé sur des différences confessionnelles.
Comments est propulsé par CComment