La mort comme possibilité ultime : une exégèse autour de Paul Zahiri

La mort comme possibilité ultime : une exégèse autour de Paul Zahiri

« La mort est notre possibilité la plus extrême mais la plus certaine. Elle est la possibilité de notre impossibilité imminente. »
— Paul Zahiri

Introduction

Par cette formule dense, le philosophe Paul Zahiri s’inscrit dans une longue tradition existentielle qui interroge la mort non pas seulement comme un fait biologique, mais comme une structure ontologique fondamentale de l’être humain. Loin d’être une simple fin, la mort est ici pensée comme possibilité, c’est-à-dire comme un événement que seule l’existence humaine peut anticiper, intégrer, voire méditer.

L’exégèse qui suit s’efforcera de déplier les couches philosophiques contenues dans cette assertion, en convoquant Heidegger, Levinas et quelques accents kierkegaardiens, tout en restant fidèle au ton et à l’intuition du Professeur Zahiri.

1. La possibilité la plus extrême

Zahiri commence par dire que la mort est notre possibilité — et même la plus extrême. À première vue, cela semble paradoxal : comment la mort, qui marque précisément la fin de toute possibilité, peut-elle encore être qualifiée de possibilité ?

Ici, l’influence de Martin Heidegger est palpable. Dans Être et Temps, Heidegger affirme que la mort est « la possibilité d’une impossibilité » — c’est-à-dire la possibilité, pour l’être humain, de ne plus être capable d’aucune possibilité. Elle n’est donc pas un événement extérieur ou accidentel, mais ce vers quoi notre être est toujours déjà orienté. En ce sens, la mort est incontournable, intransmissible, insurpassable.

Zahiri ajoute à cela l’idée d’extrémité, ce qui signifie que la mort est le terme absolu, le seuil que rien ne dépasse dans l’ordre de la vie humaine. Elle est l’ultime limite. Par là, elle donne paradoxalement son contour à la vie.

2. La plus certaine

La mort, tout en étant extrême, est aussi certaine. Cette certitude, irrévocable et universelle, est ce qui la distingue de toutes les autres possibilités humaines.

On peut ne pas aimer, ne pas réussir, ne pas comprendre, mais nul ne peut ne pas mourir. C’est pourquoi la pensée de la mort devient un axe de lucidité chez de nombreux penseurs : elle ramène à l’essentiel, elle dépouille, elle recentre.

La certitude de la mort n’est pas une condamnation, mais une mise en tension existentielle : elle nous rappelle que le temps est limité, que l’existence n’est pas infinie, et qu’il est donc vital de vivre authentiquement, dans la vérité de notre finitude.

3. La possibilité de notre impossibilité imminente

Cette troisième proposition est la plus vertigineuse. Zahiri définit la mort comme la possibilité de notre impossibilité imminente. La formulation semble tautologique, mais elle révèle une pensée précise du rapport au temps et à la finitude.

  • La possibilité : ce n’est pas une abstraction. C’est une donnée concrète de l’être humain, qui sait qu’il va mourir.
  • L’impossibilité : ce à quoi elle mène, c’est l’arrêt de toute action, de toute pensée, de toute relation. La fin de notre pouvoir-être.
  • L’imminence : ici Zahiri introduit un ton urgentiel. La mort n’est pas seulement future. Elle est proche, toujours possible maintenant, sans prévenir.

Loin d’un fatalisme morbide, cette approche conduit à une forme de sagesse tragique. Elle engage l’être humain à ne pas perdre son temps dans le divertissement ou la fuite, mais à saisir l’instant, à construire un sens malgré — ou à cause de — cette impossibilité imminente.

Conclusion : Mourir pour mieux vivre

Ce que nous enseigne le professeur Zahiri, ce n’est pas une obsession de la mort, mais une invitation à repenser le sens de la vie à la lumière de sa finitude. En reconnaissant la mort comme notre possibilité la plus extrême et la plus certaine, nous ne cédons pas à la peur, mais nous assumons la grandeur d’un être capable de penser sa propre disparition.

La mort devient alors ce qui donne poids à nos choix, ce qui rend nos engagements urgents, ce qui rend nos paroles significatives. Penser la mort, c’est donc peut-être apprendre à vivre.

Glossaire

  • Possibilité : Capacité d’advenir ; dans la philosophie existentialiste, ce que l’être humain peut ou doit actualiser.
  • Finitude : Caractère de ce qui est limité, notamment dans le temps.
  • Imminence : Fait d’être tout proche, sur le point d’arriver.
  • Authenticité : Concept heideggérien désignant une manière de vivre en accord avec sa propre finitude.
  • Être-pour-la-mort (Sein-zum-Tode) : Terme de Heidegger désignant la manière propre à l’homme d’exister en anticipant sa mort.
  • Sagesse tragique : Forme de lucidité qui reconnaît les limites de l’existence humaine sans sombrer dans le désespoir.
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